Concours de plaidoiries du mémorial de Caen

Affiche concours

Le Mémorial de Caen, propose et ouvre sa tribune aux lycéens, élèves avocats de la France entière, ainsi qu’aux avocats en titre venus du monde entier pour leur permettre d’exprimer leur indignation face à des atteintes fondamentales aux Droits de l’Homme.

S’agissant des lycéens, cette année marque sa 16ème édition avec le soutien des partenaires du concours : Amnesty International, Reporters sans Frontières, la MGEN et les éditions Play Bac.

Ainsi, quatre prix récompensent les qualités de conviction et d’engagement des jeunes avocats en herbe.

Ce concours, qui montre tout le talent d’adolescents faisant le choix de l’engagement en faveur des autres, s’inscrit dans une démarche civique d’Education à la Paix. Il est une formidable tribune d’expression libre.

>> La finale des lycéens a lieu ce vendredi 1 février 2013. Elle offre aux 14 équipes, issues des finales régionales, de plaider la cause qu’elles ont choisie devant un jury concerné par la défense des droits de l’homme, devant un jury lycéen et un public de 2 000 lycéens.

>> Samedi 2 février sera la tribune des élèves avocats de France

>> Le dimanche 3 février, celle des avocats de tous pays

Ici vous trouverez le programme complet des thèmes des plaidoiries

Le direct

Ci dessous, in extenso, la plaidoirie de Joan Payet du Lycée Emmanuel Mounier de Châtenay Malabry qui, a représenté son texte au concours régional… Un grand bravo à lui !

Depuis 2007, entre 8000 et 9000 Roms sont expulsés chaque année en France soit 30% des expulsions totales sur un an. Je ne plaiderai pas ici la cause des Roms en tant que population de langue Romani, mais celle des ressortissants Roumains et Bulgares citoyens de l’Union Européenne depuis 2007 que l’on nomme communément Roms. Ce sont les couches sociales les plus défavorisées tributaires d’un marché du travail sclérosé, qui subissent de fortes discriminations dans leur pays d’origine et émigrent en Europe de l’Ouest avec l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie.

En France ces populations subissent à la fois une politique de l’insécurité qui accentue leur rejet et la crise économique actuelle qui annihile leurs chances d’insertion. D’autant plus qu’ils sont assimilés aux Tziganes qui subissent une discrimination séculaire.
Peut-on encore parler d’état de droit dans un pays qui prend à parti des populations minoritaires d’origine étrangère, dans un objectif purement électoraliste ?
Ces expulsions qui occupent le débat public occultent l’échec probant de notre politique péri-urbaine qui débouche sur une concentration de communautés homogènes.
Notre état, qui se revendique « Patrie des Droits de l’Homme » ne devrait-il pas apporter des réponses structurelles aux problèmes de l’immigration plutôt que de simples expulsions, inefficaces et contre-productives ?

Le régime transitoire créé sur mesure par la Commission Européenne pour la Bulgarie et la Roumanie en 2007 « rappelle les heures les plus sombres de notre Histoire ». Après trois mois sur le territoire français les ressortissants de ces deux pays doivent avoir un obtenu un emploi et des ressources suffisantes, sous peine d’expulsion.
Or l’accès au travail de ces ressortissants est limité à 150 métiers définis par le gouvernement français sans compter les tracasseries administratives si bien qu’il leur est quasiment impossible de trouver un travail.

La liberté de circulation est pourtant un droit fondamental garanti par l’Union Européenne. Les articles 2 et 3 du traité sur l’Union européenne consacrent les principes de non-discrimination et de libre circulation.
La cour Européenne de Strasbourg statue qu’un ressortissant européen ne peut être expulsé que si son comportement constitue « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société » et que l’expulsion est « propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et n’aille pas au- delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ». L’immigration Rom constitue-t-elle une réelle menace pour notre société ?

Conformément aux articles 14 et 16 de la directive 2004/38/CE, l’absence de revenus ne peut en aucun cas justifier une expulsion automatique des citoyens de l’Union Européenne. Pourtant les expulsions forcées continuent. 5000 depuis le début du mandat de François Hollande.
Ces expulsions constituent notamment une grave entrave au droit à la scolarisation des enfants Roms.
Les calculs politiciens semblent malheureusement primer sur l’humain.

Et comment justifier cette circulaire de l’ex-ministre de l’intérieur datant du 5 août 2010 qui fixe comme objectif l’expulsion de 300 campements Roms sur une période de trois mois ? Les expulsions collectives sont pourtant interdites par la Charte des droits fondamentaux et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Force est de constater que ce type de mesures d’exception exacerbe la fibre xénophobe de l’opinion publique et ouvre la voieà toutes sortes de dérives.
Que sont donc ces déclarations sulfureuses sinon des gesticulations médiatiques ? Au mépris du droit européen nous laissons ainsi se créer une catégorie sociale de second rang.

Outre ces atteintes au droits de l’homme, l’incapacité des gouvernements successifs à mettre en oeuvre leur propre législation concernant le droit au logement, touche directement les couches sociales défavorisées, et plus particulièrement les Roms susceptibles d’expulsion. Pourquoi près de 50 % des communes ne respectent-elles pas la loi de Solidarité de Renouvellement Urbain imposant à chaque municipalité 20% de logements sociaux ? Pourquoi le Droit Au Logement Opposable n’est-il pas respecté ?
Pourquoi des démantèlements de camps Roms sont-ils encore exécutés sans offre de logement ou d’hébergement ?
Pourquoi enfin les Roms ne bénéficient-ils d’aucune aide sociale excepté l’Aide Médicale d’Etat, théoriquement destinée aux immigrés sans papiers ?
A l’échelle Européenne les ressortissants Roumains et Bulgares sont privés de leur droits fondamentaux. A l’échelle nationale ces populations démunis font office de bouc émissaires.

Les gouvernements français successifs ont donné un semblant de réponse à ce qu’ils considèrent comme le « problème Rom », problème imaginaire créé sur la base d’amalgames xénophobes. La politique d’expulsion des Roms est clairement anti-démocratique et inefficace voire contre-productive, sauf à prendre en compte les avantages inavouables que peut en tirer le pouvoir politique.
La stigmatisation de ces populations favorise la discrimination sociale et chacun sait que les Roms expulsés reviendront tant que la situation dans leur pays d’origine n’aura pas évolué. Comment justifier le coût économique considérable d’une politique aussi indéfendable ?

Quand aux « villages d’insertion » principale réponse à l’immigration Rom, ils ne sont qu’une solution humanitaire et politique pour quelques familles. A 2700 euros par foyer, cette mesure est elle aussi extrêmement coûteuse.
Qui se souvient des camps de concentrations français dans lesquels étaient parqués les émigrés espagnols fuyant la guerre civile ? La mise en captivité d’un groupe de population homogène est tout le contraire d’une politique d’insertion, même si elle tend à donner l’impression d’une réponse au problème Rom.
On entend souvent la phrase suivante, « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », un tel truisme ne saurait nous dédouaner de nos responsabilités.

Certes, il est vrai que la question Rom renvoie au problème de l’immigration.
Dans une période de crise globale, tout autant économique, financière et politique, que sociale et idéologique, l’opinion publique semble se retrancher sur des valeurs conservatrices et la classe politique pencher vers des solutions protectionnistes. En oublierons-nous pour autant les valeurs fondatrices de notre Etat et de l’Union Européenne ?
Indépendamment des questions économiques liées à l’immigration, c’est l’attitude discriminatoire des pouvoirs publics qui est en cause.
En quoi les Roms sont-ils un problème ? La seule question qui mérite d’être posée est celle du respect de nos principes et nos engagements. La classe politique continuera-t-elle de les bafouer ou bien prendra-t-elle enfin ses responsabilités ?
Il est grandement temps de mettre fin au traitement des Roms comme citoyens de seconde catégorie !
– Il est d’abord essentiel de faire appliquer notre propre législation laquelle exige des collectivités la construction d’un certain nombre de logements sociaux et leur permet en cas de nécessité de réquisitionner des logements vides.

– L’accès à l’emploi est un droit fondamental, première étape vers la reconnaissance sociale et l’intégration. Certes le marché du travail est frappé par la crise, mais faciliter l’accès des Roms à l’emploi est possible et même nécessaire. Tout citoyen européens mérite les mêmes droits. Il faut abroger les mesures d’exception du traité de 2007, l’Irlande l’a fait le 22 juillet dernier.

– Il faut mettre en œuvre un véritable projet social d’insertion de ces populations défavorisées, en organisant des campagnes de sensibilisation et en leur garantissant un meilleur accès à des programmes d’alphabétisation, à l’éducation et à la formation professionnelle. Il n’y a pas de reconnaissance sociale sans conditions de vie dignes.

– Il est fondamental de bannir toute politique d’insécurité ; c’est le moins qu’on puisse attendre d’un Pouvoir responsable. L’Etat devrait tirer parti de l’intégration des Roms au lieu d’investir dans des politiques d’exclusion totalement inefficaces. Nous avons plus ou moins réussi à intégrer les populations immigrées au cours du XXème siècle, pourquoi pas les Roms ?

– Il est grand temps d’utiliser la possibilité offerte par la Commission, de consacrer jusqu’à 2% de la contribution totale du Fond Européen de Développement Régional, aux dépenses de logement en faveur des communautés marginalisées.

La moindre des choses serait que les politiques prennent leurs responsabilités et respectent les principes fondamentaux de la démocratie.
Nous sommes à l’heure d’un choix crucial, nous engager avec détermination vers une Europe politique ou bien en rester au stade de l’Organisation Politique Non Identifiée. Il n’est plus temps de regretter que la course à l’ouverture économique de l’Union Européenne ait été démesurée.
La Roumanie et la Bulgarie nous ont rejoint dans un contexte de crise économique, il nous revient d’en assumer toutes les conséquences ! La seule façon de réguler les flux migratoires est de générer un marché économique équilibré et compétitif en répartissant les richesses sur le sol européen.
Au regard de nos principes, au regard des droits de l’homme, nous devons assurer les mêmes droits et libertés fondamentales à tout ressortissant de l’Union Européenne.
Les Roms ne sont pas un problème, ils sont les révélateurs des contradictions que l’Europe doit résoudre pour assurer sa propre survie.

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