En complément de l’exposition-vente solidaire au profit d’enfants syriens, les groupes Amntesty International des « Hauts de Bièvre » et d’Orsay se sont associés au cinéma Le Sélect pour proposer une projection-débat autour du film « L’eau argentée : Syrie, autoportrait » (1h30mn – Classification: Interdit -16 ans – Documentaire – VO st Fr).
Le débat sera animé par Ossama Mohammed, réalisateur du film ; Joël Jovet, coordinateur Syrie-Liban pour Amnesty International France et Abdullah Haid, réfugié syrien ayant rejoint le groupe Amnesty des Hauts de Bièvre.
Le film a été particulièrement remarqué lors de la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, présenté à la Sélection officielle du festival de Cannes – Hors compétition – Séance spéciale.
Ce récit bouleversant du destin tragique de la Syrie raconté au jour le jour à travers des images amateurs hante les mémoires.
Depuis le 5 mai 2011, le cinéaste syrien Ossama Mohammed est exilé en France pour avoir critiqué le régime de Bachar el-Assad. A travers les vidéos postées par les cinéastes amateurs, il suit pas à pas l’évolution de la révolution syrienne. Décidé à retracer leur histoire et la sienne, il compose peu à peu un film à partir de cette mosaïque d’images et de sons : les premières manifestations et les premiers martyrs, la naissance d’un bébé avec les moyens du bord, les chants traditionnels, un adolescent torturé, les appels désespérés des insurgés à l’armée, le témoignage de soldats déserteur. Jusqu’à ce Noël 2011, où un message parvient sur son ordinateur : celui d’une jeune Syrienne d’origine kurde appelée Simav, qui lui demande : «Qu’est-ce que tu filmerais si tu étais à ma place ?» Commence un échange entre un exilé et une révolutionnaire…
Eau Argentée, Syrie autoportrait de Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedierxan.
Ossama Mohammed est un talentueux cinéaste syrien, l’un des seuls – le seul ? – identifié sur la carte des festivals de cinéma dans le monde, et en particulier Cannes. Comme pas mal de cinéastes africains de sa génération – Sissako par exemple – il a étudié le cinéma à Moscou, avant de réaliser des films avec beaucoup de parcimonie – trois longs métrages dont celui-ci (cas très particulier), un tous les vingt ans – quelques courts métrages car, on s’en doute, il ne doit pas être très facile de faire des films en Syrie.
Ossama Mohammed s’est réfugié en France depuis mai 2011, dans l’impossibilité de retourner dans son pays après avoir participé à une table ronde pendant le Festival de Cannes sur le thème « cinéma et dictature. »
De son exil parisien, il suit la révolution et la terrible répression qui ensanglante la Syrie. Il en fait un film Eau Argentée, Syrie autoportrait qui est constitué d’une multitude d’images prises avec des téléphones portables, postées sur youtube ou ailleurs. « En Syrie, les youtubeurs filment et meurent tous les jours. Tandis que d’autres tuent et filment. A Paris, je ne peux que filmer le ciel et monter ces images youtube, guidé par cet amour indéfectible de la Syrie. De cette tension entre ma distance, mon pays et la révolution est née une rencontre » déclare le cinéaste. Cette rencontre est de Ossama Mohammed et de Wiam Simav Bedierxan, une jeune femme d’origine kurde qui a filmé la ville de Homs sous les bombes. Le film est l’histoire de ce dialogue par images interposées, mais aussi de bien d’autres choses : un monologue poignant sur l’exil, une réflexion sur le cinéma et le pouvoir de l’image. Le film recueille aussi bien des images des opposants et de témoignages des atrocités commises par le régime de Bachar el-assad contre son peuple, que des images filmées par les tortionnaires eux-mêmes des supplices infligés à leurs prisonniers. Les images des victimes et les images des tueurs, avec des scènes insoutenables de cadavres de civils et d’enfants, d’humiliations et de tortures. Au-delà du documentaire et même du film essai, une œuvre de cinéma importante capable à partir d’une tragédie majeure de notre époque (150 000 morts et 6,5 millions de personnes déplacées depuis mars 2011) d’élaborer une mosaïque d’images et de sons qui explore avant tout la puissance du cinéma, comme force de résistance et d’oppression, par un cinéaste poète qui questionne la notion même de l’acte de filmer et d’associer une image avec une autre, une image et un son, sans oublier la notion d’auteur – le film est celui de tout le peuple syrien, d’un homme et d’une femme qui ne se sont jamais rencontrés.
A lire, à voir et à écouter sur ARTE Créative : la rencontre avec Ossama Mohammed qui revient sur la création du film.